ARCHIVED Vers une méthode de recherche phraséologique en langue de spécialité

 

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par Silvia Pavel

Dans son intervention à "BudaLEX Presidential Debate 1988" sur le rôle et le contenu des dictionnaires, Alain Rey définissait langue de la façon suivante :

« Système complexe, formé d’une structure phonétique, d’un stock d’unités sémantiques (morphèmes) combinables en unités plus complexes (mots, syntagmes) et enfin caractérisé par un ensemble de règles qui s’appliquent aux morphèmes et à leurs combinaisons (syntaxe). »

Il opposait ce système complexe qu’est la langue à l’activité nommée langage, dans l’exercice de laquelle le système est sujet à des variations individuelles et collectives :

« De ces variations procèdent des usages géographiques, historiques, sociaux de la même langue, qui se résolvent en normes sociales... La fonction sociale de toute langue correspond à une sémantique culturelle, qui caractérise la vision du monde propre à chaque civilisation » (A. Rey, 1992 : 270-274).

Langue, langage, langue de spécialité

Notre définition de la langue de spécialité (LS) s’inscrit naturellement dans cette vision de la langue à la fois comme système et norme sociale : LS est un sous-ensemble de la langue générale (LG) qui sert à là transmission orale et écrite du savoir relevant d’un champ d’expérience particulier. Elle a en commun avec LG sa grammaire et une partie de son patrimoine lexico-sémantique (morphèmes, mots, syntagmes et contraintes combinatoires régissant l’agencement du discours), mais elle en fait un usage sélectif et créatif, ce qui nous permet de la décrire en termes de système conceptuel et de désignations (terminologie), de discours et de thèmes (phraséologie), de collectivités et d’usagers (norme sociale).

Le savoir spécialisé structure les croyances relatives à des objets et des processus - généralement admises comme vraies par une collectivité LS - dans un système d’entités mentales (concepts ou notions) identifiables par leurs propriétés et relations et qui évoluent au rythme de la révision individuelle et collective de ces croyances. Le discours thématique met constamment en question le savoir communément admis, ce qui entraîne des ajouts, des déplacements et des suppressions dans le réseau conceptuel en place. Les changements arrivent par degrés ou par vagues, et certains d’entre eux peuvent complètement bouleverser la configuration d’un système conceptuel.

Au plan du langage, cette révision du savoir spécialisé est source de nouvelles désignations (néologie formelle) et de modifications du sens des désignations courantes (néologie sémantique). De nouvelles analogies, stratégies et préférences langagières sont choisies pour faciliter la transmission du nouveau savoir. Or cette permanente interaction du thème et du concept, de la connotation et de la dénotation, de la mise en question et de l’adhésion exige une maîtrise de la LS dont les vocabulaires classiques ne livreront pas le secret tant qu’ils n’aideront pas leur public à produire du discours LS en plus de le comprendre. C’est cette finalité communicative du dictionnaire spécialisé que visent les projets à composante phraséologique du module canadien du Réseau international de néologie et de terminologie (Rint).

Présupposés théoriques

Les vocabulaires combinatoires préparés à la Direction de la terminologie et des services linguistiques (DTSL) du secteur Langues officielles et Traduction, au Secrétariat d’État portent respectivement sur la conception et la fabrication assistées par ordinateur (CFAO) mécanique et sur l’imagerie fractale. Ils partent du principe que les terminologues étudient des concepts afin de les définir, d’en déterminer les interrelations dans un domaine particulier du savoir et d’en identifier (au besoin, d’en proposer) les dénominations dans une ou plusieurs langues. Ce faisant, ils manipulent une quantité impressionnante de données phraséologiques qu’il serait plus utile d’inclure dans leurs vocabulaires.

Les choix méthodologiques adoptés tout au long de nos recherches terminologiques à composante phraséologique tenaient compte d’objectifs précis. Dans le cas de l’imagerie fractale, notre objectif était la création d’un vocabulaire définissant, en français, près de 300 concepts spécialisés d’un nouveau domaine interdisciplinaire (dynamique non linéaire, physique, mathématique, infographie). Le but de l’ouvrage était de faire connaître une terminologie bilingue à caractère néologique prononcé et de renseigner les étudiants francophones, les spécialistes de domaines d’application des fractales, les rédacteurs techniques en français langue seconde et les traducteurs de textes spécialisés, sur les usages phraséologiques courants chez les auteurs francophones, afin de les aider à communiquer efficacement avec leurs interlocuteurs du domaine.

De la très riche bibliographie accumulée ces dernières années sur la structuration des dictionnaires combinatoires en langue générale (LG), nous avons étudié les méthodes décrites par Benson, Benson et Ilson dans le BBI Combinatory Dictionary of English (structures syntagmatiques), par l’équipe de I. Mel’čuk (Montréal) dans Le Dictionnaire Explicatif et Combinatoire du Français Contemporain (fonctions lexicales), et surtout par l’équipe WORDNET du Laboratoire de sciences cognitives à Princeton (réseaux sémantiques des noms / acteurs, des verbes / actions et des adjectifs / propriétés).

Quoique ces démarches laissent de côté la composante terminologique - centrale pour la structuration du savoir évolutif et la description de l’usage courant dans le dictionnaire d’une spécialité émergente -, nous en avons toutefois retenu plusieurs éléments susceptibles d’enrichir l’aspect relationnel de la définition terminologique classique, et ceux qui nous permettaient d’ajouter au système notionnel de type « objets », des schémas conceptuels de type « processus » et « propriétés ». Suivant les étapes habituelles de la recherche terminologique, nos définitions et notes d’usage ont été revues et validées par plusieurs spécialistes de la physique non linéaire, de l’infographie et des mathématiques fractales.

En ce qui concerne le traitement de la phraséologie en langue de spécialité (LS), nous nous sommes inspirés des contributions aux Actes BudaLEX '88 et aux Actes EURALEX '92, des travaux de H. Picht, de A.L. Kjaer et de G. Budin publiés dans Terminology Science and Research (1990), du travail de A. Kukulska-Hulme sur la structure d’un Dictionnaire actions-acteurs pour l’informatique (1991), ainsi que ceux de leurs prédécesseurs, O. Man (1953), E. Benveniste (1966), H. Burger, H. Buhofer et A. Sialm (1982) qui considèrent les unités terminologiques (UT) comme un sous-ensemble de la phraséologie d’une LS.

En conséquence, chaque catégorie de combinaisons (voir Lainé, Pavel, Boileau : 1992) apparaissant dans la composante phraséologique d’une entrée répertorie des termes complexes et des groupes ou unités phraséologiques (UP) usuels en tant qu’illustrations d’une même structure combinatoire, abstraction faite de leur degré de lexicalisation. Ceci permet de signaler, ou de rappeler, au lecteur-rédacteur l’existence d’une riche terminologie pluridisciplinaire couramment véhiculée dans les textes dépouillés, et qu’il aurait été aussi impossible qu’inutile de définir en entier. De même, il aurait été impensable de l’éliminer de la composante phraséologique (solidarités lexicales) sous prétexte qu’elle illustre le figement lexical. Dans un domaine aussi récent que l’imagerie fractale, la distinction entre UP et UT est souvent une question de degré et de décision opératoire (voir à ce sujet Kocourek, 1982, pp. 116-130). Le figement « fractal » étant encore à ses débuts, la plupart des groupes figés y sont importés des disciplines mères. Dans ces conditions, la solution d’inclusion était préférable à celle d’exclusion.

Multiterme et phraséologisme opposition ou inclusion?

Par phraséologie LS, nous entendons la combinatoire syntagmatique des unités terminologiques (UT) prises comme noyaux de cooccurrences usuelles ou privilégiées dans les textes d’une spécialité. Ces solidarités lexicales présentent divers degrés de figement (combinaisons fixes, restreintes, libres), de commutativité, de compactage, de fréquence, de spécialisation et de prévisibilité lexico-sémantique qui sont évalués lors de la sélection des unités phraséologiques (UP) les plus utiles aux groupes d’usagers visés par un vocabulaire.

Les UP les plus courantes sont de type nom + nom, nom + adjectif, nom + verbe, verbe+ nom. Chacune de ces catégories peut être représentée par un syntagme (nominal, adjectival, verbal) et le noyau UT peut se trouver dans chacune de ces positions. Exemples :

UT/1 + V + UT/2 :

l’amas de percolation + envahit + un site;

UT + Adj :

agrégat + bidimensionnel, compact, complexe, cristallin, écailleux, fermé, fibreux, fini, infini, irrégulier, métastable, mixte, ouvert, percolant, régulier, simple, solide, squameux, stable, tridimensionnel;

V + UT :

absorber + un agrégat, analyser ~, assembler ~, casser  ~, coller ~, construire numériquement ~, créer ~, déformer ~, détruire ~, disjoindre ~, éliminer ~, fabriquer ~, former ~, obtenir ~, produire ~, recoller à ~, recueillir ~,rencontrer ~, restructurer ~, simuler ~, translater ~, visualiser ~;

UT + V :

agrégat + ~ adopter une configuration, s’agréger, ~ apparaître, ~ bouger, ~ changer de taille, ~ coller à un autre, ~ contenir des particules, ~ croître, ~ décroître, ~ se déplacer, ~ diffuser vers, ~ diminuer, ~ envahir un site, ~ se former, ~ grossir, ~ s’interpénétrer, ~ percoler, ~ pousser, ~ prendre une forme, ~ remplir un espace, ~ rester rigide, ~ suivre une trajectoire.

Par unité terminologique (UT), nous entendons un mot (simple, dérivé, composé), un symbole une formule ou un groupe compact de mots (syntagme lexical nominal, verbal ou adjectival) qui désigne un concept de type objet, action ou propriété, appartenant au système conceptuel d’une spécialité. Le syntagme lexical (multiterme) est le produit figé d’une cooccurrence phraséologique décrivant ou définissant un concept, et qui peut, avec l’usage, subir une contraction de type nominalisation, adjectivation ou verbalisation qui atteste son statut de désignation (étiquette de concept).

Exemples :

enseignement dispensé à l’aide d’un ordinateur intelligent = enseignement intelligemment assisté par ordinateur (EIAO);

traitement des données effectué sur ordinateur massivement parallèle = traitement massivement parallèle

Les termes formés par dérivation et composition sont eux aussi le produit d’un compactage phraséologique sélectif.

Exemples : (N + SV)

Cet instrument coupe le papier;

SN (syntagme nominal) = l’instrument qui coupe le papier;

UT (unité de terminologie) = le coupe-papier.

UP : représenter sous forme de fractale = UT \ fractaliser

UP : représenter sous forme de scénario = UT \ scénariser

UP : évoluer en cycles UT \ cycler

UP : décrire une trajectoire = UT

UP : former des cristaux = UT \ cristalliser

UP : former des flocons = UT

UP : qui a la forme d’un arbre = UT \ arboriforme

UP : qui a la forme d’un gruyère = UT \ lacunaire

UP : spécialiste de l’imagerie fractale = UT \ fractaliste

UP : spécialiste de la dynamique nonlinéaire = UT

UP : propriété d’objets fractals = UT \ fractalité

UP : propriété de ce qu’on ne peut prédire = UT \ imprédicibilité; imprédictibilité

Relations sémantiques recherchées dans les combinaisons UT + cooccurrents

En adoptant l’approche cognitive de WORDNET dont les réseaux sémantiques modélisent les associations du raisonnement humain confirmées par l’analyse d’un volumineux corpus textuel, nous avons relevé les cooccurrents répondant à la question "qu’est-ce qu’on fait à/avec cette UT?" et illustrant les relations suivantes :

Noyau UT nominal (objet, groupe, phénomène, substance, etc.) :

inclusion (générique/spécifique; partie/tout), similarité (combinaisons synonymes), disjonction (cohyponymes), opposition (antonymes), contiguïté (présupposition, cause-effet, contenant-contenu, action-résultat, origine-destination, instrument-action).

Exemple : agrégat / syn. amas

  • ~ amas-amas, ~ particule-amas, - particule- particule;
  • ~ de cellules, ~ d’étincelles, ~ de percolation, ~ de sites connectés à la source, ~ de sites isolés de la source;
  • accroissement d’~, analyse d’~, cassure d’~, collage d’~, comportement d’~, enveloppe d’~, forme d’~, interaction des ~s, mobilité des ~s, naissance d’~, science des ~s, simulation numérique d’~, spectre de masse d’~, structure d’~, substrat d’~, support d’~, synthèse d’~, taille d’~)

Noyau UT adjectival (descriptif ou bien relatif)

similarité, antonymie directe / indirecte, qualitative, spatiale, fonctionnelle, causale, de direction, série d’intensités graduelles, contraste relationnel.

Exemple : chiral (adj)

  • asymétrie ~, atome~, caractère ~, composé chimique ~, configuration ~, conformation ~, électron ~, élément ~, forme ~, interaction ~,molécule ~, phénomène ~, trajectoire ~, système
  • rendre ~.

Exemple : achiral (adj)

  • forme ~, molécule ~, objet ~, phénomène ~, symétrie ~, système~, trajectoire~.

Noyau UT verbal

similarité, troponymie (inclusion temporelle + manière : courir = se déplacer à pied + rapidement) -vitesse, direction, intensité, intention, but, résultat; antonymie (exclusion temporelle + manière : croître-décroître, gagner-perdre); implication (inclusion temporelle à sens unique : dormir-ronfler); succession temporelle (script début + déroulement + fin)*.

Exemple : cycler (de X à / vers Y) :

orbite ~, pensée ~, processus ~, trajectoire ~.

Dans les combinaisons de type sujet + prédicat, ce dernier peut comprendre un verbe auxiliaire, d’état ou d’action, ou bien un syntagme verbal temporel, modal ou factitif. Exemples :

N/SN+V/SV

  • arbre de recherche + est touffu / fortement connecté;
  • algorithme de recherche + recule dans l’arbre conceptuel
  • géométrie fractale + modélise la nature, la turbulence, le chaos déterministe et/ou indéterministe

N/SN+SV temp.

  • matière du cratère + vient de se refroidir
  • variation d’échelle + va en diminuant
  • attracteur + est sur le point de basculer dans le chaos

N/SN+SV mod.

  • fractaliste + doit / peut / veut / sait / ose générer une fractale

N/SN+SV fact.

  • (causatif = action causée par le sujet) : itération + fait croître / décroître la fractale; algorithme + fait doubler la période
  • (jussif = action ordonnée par le sujet) : veuillez noter, remarquer, observer...

Certains verbes d’apparence LG acquièrent dans ces combinaisons des sens spécialisés. Exemples :

  • itérer une équation -- la fractale itère vers l’infini
  • to sleep (intr.) -- this boat sleeps four people (tran.)
  • l’agrégat cristallise (non pas « se cristallise »)
  • entrer des données = les saisir

Critères de sélection des phraséologismes LS

Les particularités phraséologiques d’une LS résultent de deux facteurs extra-linguistiques : la nature imprédictible du renouveau conceptuel dans une spécialité et l’évolution subséquente du langage (norme sociale) dans la communauté qui les adopte. L’apprentissage de ces particularités contribue considérablement à une communication LS efficace.

L’auteur d’un vocabulaire phraséologique doit connaître le niveau de compétence linguistique LG/LS du public auquel il s’adresse pour bien répondre aux besoins de communication de ce public. Et c’est en fonction de ces variables qu’il évaluera la pertinence de certaines combinaisons libres ou la marginalité de certains phraséologismes savants et qu’il décidera des priorités de sa publication. Il pourrait considérer les critères suivants :

Prévisibilité (sémantique, syntaxique, lexicale) des cooccurrents) :

Presque nulle chez l’apprenant d’une langue seconde ou chez l’étudiant de première année, elle varie selon le niveau de connaissance du domaine et de la langue LG/LS par l’utilisateur et selon le rythme d’évolution du système conceptuel.

Combinabilité (capacité d’une UT d’accepter diverses classes de cooccurrents) :

Elle est donnée par le système LG mais est modulée par la sémantique culturelle de la spécialité et par l’usage collectif de la LS.

Commutativité (nombre de cooccurrents synonymes) :

Beaucoup plus grande en sciences humaines et sociales que dans les sciences dites exactes.

Degré de spécialisation :

Dans un domaine hautement spécialisé ou possédant un système conceptuel relativement stable et bien développé, on trouvera probablement plus de cooccurrents à commutabilité restreinte et d’UT complexes que dans un domaine émergent ou pluridisciplinaire où les UP à noyau UT néologique n’ont pas encore eu le temps de se compacter ou de se figer par un usage consensuel.

Fonction de l’UP (de désignation / concept, ou bien prédicative / thème) :

Décisive pour le choix des entrées (termes noyaux) à définir, et des termes complexes construits à partir de ces noyaux qu’on choisit de ne pas définir mais simplement de mentionner dans la composante phraséologique, la fonction d’une UP est souvent considérée en combinaison avec d’autres critères tels la fréquence, la commutativité ou le degré de figement.

Fréquence (nombre d’occurrences d’une UP dans un corpus dépouillé) :

Pris isolément, ce critère risquerait de faire éliminer des UP centrales mais néologiques ou hautement spécialisées en faveur d’UP "libres" parfaitement insignifiantes.

Discontinuité (nombre d’éléments intercalés entre le noyau et un cooccurrent privilégié) :

Peu pertinent lors du dépouillement manuel qui permet au terminologue de varier la distance avant et après le noyau et de relever les cooccurrents même à l’intérieur d’un paragraphe, ce critère peut tout changer lors du dépouillement automatique où il doit être spécifié avec précision.

Degré de figement de l’UP :

Aide à déterminer la commutativité (nulle, minimale, maximale) des cooccurrents d’une UT noyau. Ce critère est fourni par les résultats des tests de stabilité sémantique sous une transformation de substitution, d’ajout, de suppression ou de permutation. Il permet de distinguer trois types de combinaisons :

  • combinaison fixe / figée : Collocation à commutativité zéro (locution, mot composé, multiterme) :
    • la fractale itère vers... (*dégringoler, *se répéter)
    • le programme roule sur... (*marcher, *fonctionner)
    • munir une équation d’une loi...(*doter, *affecter)
  • combinaison semi-figée : Deux cooccurrents synonymes pour une UT :
    • générer, produire électricité (*créer, *fabriquer)
    • arrêter, couper le courant (*suspendre, *cesser)
    • le courant circule, passe (*coule, *s’écoule)
  • combinaison libre : Commutativité maximale, déterminée par la LG et non pas par la LS, "prévisible" grâce à la compatibilité sémantique des cooccurrents, mais dont un apprenant LG/LS devine difficilement la matérialisation lexicale.

Suggestions de consignation des UP dans un vocabulaire spécialisé

La composante terminologique d’un vocabulaire LS est axée sur un système conceptuel et des désignations afférentes. Elle reflète leur évolution, le caractère relatif et progressif du figement lexical, le renouvellement des UT et démarque les niveaux de langue LS selon les particularités socio-culturelles des locuteurs LS.

L’ampleur et le détail de la composante phraséologique dépendent des caractéristiques du groupe cible, de ce qui a déjà été publié dans le domaine étudié, du temps, des outils, des ressources et de la documentation disponible. Nos suggestions méthodologiques se fondent sur l’expérience acquise dans la réalisation du Vocabulaire de l’imagerie fractale, tout en tenant compte des expériences partagées par d’autres auteurs de vocabulaires phraséologiques dont les noms figurent dans la bibliographie ci-jointe.

Pour chaque noyau UT défini dans le vocabulaire, on peut classer les cooccurrents selon leur catégorie grammaticale et leur position vis-à-vis du noyau, et les ordonner alphabétiquement pour en faciliter le repérage. Si l’on choisit la présentation par type de relations sémantiques, l’expliquer dans le Guide d’utilisation et le rappeler à l’aide de symboles typographiques faciles à comprendre.

Il est utile de sélectionner les UP à partir de plusieurs critères de façon à en garantir l’utilité pour le lecteur. Il n’y a pas de raison d’exclure les UT complexes de la composante phraséologique, même lorsqu’elles sont définies ailleurs dans le vocabulaire. Par économie, on peut mentionner ces dernières dans la section « renvois croisés » de la composante terminologique. On peut aussi les identifier en tant que « désignations » par un astérisque ou par un autre symbole expliqué dans le Guide.

Lorsque la composante phraséologique d’une entrée est très volumineuse et qu’elle contient des coocurrents synonymes difficiles à reconnaître comme tels, on peut les énumérer après le cooccurrent privilégié (style, fréquence), quitte à les reprendre alphabétiquement plus loin.

Lorsque les cooccurrents de deux UT synonymes se trouvent en distribution complémentaire, il faut mentionner le fait dans une note d’usage.

Exemple : asymptote, asymptotique (adj)

NOTA « Asymptote » cooccurre de préférence avec cercle, cône, courbe, droite, forme, plan et point tandis qu’« asymptotique » qualifie plus souvent direction, estimation, ligne, limite, raccordement, trajectoire et valeur.

Dans un vocabulaire bilingue, la composante phraséologique peut refléter l’asymétrie des langues, soit en regroupant les phraséologismes par langue et en laissant au lecteur le soin d’établir l’équivalence, soit en fournissant dans la langue d’arrivée les équivalents de la langue de départ et en créant une section à part où la langue de départ devient langue d’arrivée.

N’ayant pas encore étudié les possibilités de structuration des données phraséologiques dans un vocabulaire multilingue avec ou sans définitions, nous recommandons la lecture des articles de N.B. Gvishiani, Th. Fontenelle, L.G. de Stadler et T. van der Wouden parus dans EURALEX '92 Proceedings.

Note

* Voir les articles de Christiane Fellbaum de l’Université de Princeton (États-Unis) sur les réseaux et les champs sémantiques du verbe.

Bibliographie sommaire

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